Burkina Faso : réflexion sur les médecines traditionnelles

Médecines traditionnelles et traitements néo-traditionnels :

Dialoguer, comprendre et réfléchir pour mieux agir

 

SANKARA René

Association KASABATI, Burkina Faso

 

 

Les 14, 15 et 16 décembre 2010 s’est tenu à la salle de conférence de  Excellence Hôtel un atelier de réflexion sur les médecines traditionnelles et néo-traditionnelles, organisé par l’Association Kasabati avec le soutien financier de Sidaction  et de l’ANRS. Cette rencontre a regroupé des représentants de structures associatives de lutte contre le VIH/Sida, de structures de recherche, de structures sanitaires et d’associations de tradipraticiens, venus du Burkina, du Cameroun, du Sénégal et de la France. Il avait pour objectif principal de débattre de la place et du rôle des médecines traditionnelles et néo-traditionnelles dans l’accès aux soins au Burkina Faso pour les personnes infectées par le VIH/Sida, afin de fournir aux institutions de soin et aux associations des éléments d’information et des analyses qui leur offriront la possibilité d’adapter leurs stratégies d’action et d’intervention.

 

Les organisateurs de l’atelier ont d’emblée situé l’esprit qui sous-tend un tel atelier : il s’agit non pas de se mettre dans une posture de dénonciation ou de stigmatisation, mais d’adopter une position critique et constructive en plaidant pour des soins de qualité soucieux des droits des malades et pour une recherche reposant sur des principes méthodologiques et éthiques incontestables.

 

Plus spécifiquement, il s’agissait au cours des trois (3) jours de :

-          Permettre aux participants de disposer d’informations générales sur les médecines traditionnelles et néo-traditionnelles et d’en connaître le cadre juridique ;

-          Proposer aux participants, à partir d’expériences de collaboration au Burkina Faso ou à l’étranger, des pistes de réflexion quant aux possibilités d’implication des tradipraticiens dans le dispositif d’accès aux soins des Personnes vivant avec le VIH/Sida ;

-          Permettre aux participants, à partir d’exemples de projets de recherche menés au Burkina Faso ou à l’étranger, de comprendre les enjeux éthiques et les questions de recherche soulevés par les médecines traditionnelles et néo-traditionnelles.

 

La rencontre s’est déroulée sous la forme de communications présentées par Kasabati et des intervenants issus de différents milieux (autorités sanitaires, responsables médicaux, chercheurs, juristes, membres associatifs) suivies de questions réponses. Chaque jour était clos par des travaux de groupe ou des tables rondes.

 

Le premier jour de l’atelier, consacré aux informations générales sur les médecines traditionnelles et néo-traditionnelles, a permis d’échanger sur quatre communications. La première communication a traité des principaux résultats du programme ANRS 12111, « Anthropologie des traitements néo-traditionnelles en Afrique de l’Ouest » qui ont été à la base de l’initiative de programmes de formation au profit des équipes soignantes du monde communautaire et de l’organisation du présent atelier. Cette communication a permis de comprendre le contexte d’émergence des médecines néo-traditionnelles dans le système des soins, de clarifier ses contours définitionnels, de repérer les catégories de traitements néo-traditionnels, de comprendre les stratégies de promotion de ceux-ci, et  enfin de présenter des figures emblématiques de promoteurs de traitements néo-traditionnels. La deuxième communication a abordé le cadre juridique de l’exercice de la médecine traditionnelle au Burkina Faso. Cet exposé a permis de présenter les textes-cadres qui régissent la médecine traditionnelle, de montrer les différents types de tradipraticiens et les obligations auxquelles ils sont assujettis selon la loi burkinabè. Les dernières communications ont consisté à expliquer  les facteurs d'adhésion des patients aux traitements néo-traditionnels. A ce sujet, une Personne vivant avec le VIH/Sida a témoigné de  son expérience avec ces traitements, les raisons qui l’y poussèrent, les contraintes rencontrées et les leçons qu’elle tire de son parcours thérapeutique. Ce témoignage a été complété par l’analyse d’un psychologue sur la question. Cette journée a pris fin par des travaux de groupes qui ont permis de se pencher sur la question de savoir quel est le rôle de la médecine traditionnelle dans la prise en charge des Personnes vivant avec le VIH/Sida.

 

Le deuxième jour, placé sous le thème « Place et rôle des médecines traditionnelles et néo-traditionnelles dans la prise en charge des Personnes vivant avec le VIH/Sida » a permis des discussions diverses présentations. La première, préparée conjointement par le PNT et le PAMAC, a porté sur le rôle des tradipraticiens dans le programme national de lutte contre la tuberculose. Cet exposé a retracé l’historique de l’implication des associations de tradipraticiens dans le programme national de lutte contre la tuberculose, les objectifs visés de l’implication de ces associations et les résultats obtenus sur le terrain, et enfin les difficultés et perspectives de collaboration entre le PNT et les tradipraticiens. Cette communication a été suivie par un exposé sur l’expérience de mobilisation des acteurs associatifs camerounais contre les "charlatans". Le présentateur a relaté les raisons qui ont poussé les acteurs associatifs camerounais à se mobilisés sur la question des médecines néo-traditionnelles, expliqué la démarche de la société civile camerounaise auprès des autorités sanitaires, et enfin les résultats et l’impact de cette mobilisation. A la suite du présentateur du Cameroun, Kasabati a partagé avec les participants son expérience de collaboration avec le milieu de la recherche et avec des associations de tradipraticiens. Cette communication a montré pourquoi et comment une association peut s’impliquer dans un programme de recherche sur les traitements néo-traditionnels, et comment collaborer avec les associations de tradipraticiens dans le cadre de la lutte contre la tuberculose. Les travaux de cette journée ont été clôturés par une table ronde qui a permis des échanges sur les types de collaboration qui peuvent exister entre les tradipraticiens et les autres acteurs de la prise en charge des Personnes vivant avec le VIH/Sida.

 

La dernière journée était consacrée aux enjeux de la recherche sur les médecines traditionnelles et néo-traditionnelles ; elle a été animée par quatre interventions. Pour commencer cette journée, les participants ont pu débattre des recommandations et des actions de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur les médecines traditionnelles à partir d’une présentation de Kasabati.

Ensuite, une intervention portant sur les enjeux de la recherche en sciences sociales sur les médecines traditionnelles a permis de comprendre les enjeux économiques, politiques, sociaux et éthiques de la recherche, mais  aussi et surtout d’aborder quelques questions méthodologiques et éthiques posées aux chercheurs en sciences sociales. Les dernières communications, présentées respectivement par les représentants du CRCF et d’Act Up Paris, ont permis aux participants de découvrir les expériences respectives du CRCF au Sénégal et des ONG françaises dont les activités et programmes et perspectives ont été riches d’enseignements pour les acteurs burkinabè.

 

Au final, ces trois (3) jours d’atelier ont permis aux participants de dialoguer, et de réfléchir sur leurs expériences personnelles, celles de leurs structures et celles de leur pays face à la question des médecines traditionnelles et néotraditionnelles. Les différents acteurs de la prise en charge et de la recherche présents ont ainsi mesuré la complexité de la question et la nécessité de la tenue d’un cadre d’échange périodique. Au cours de ces échanges, les participants ont en particulier interpellé les autorités sanitaires à mieux se pencher sur  la question des médecines traditionnelles et néotraditionnelles, et les institutions burkinabè à compléter le dispositif juridique et normatif encadrant l’exercice de la médecine traditionnelle.   

 


Pour télécharger le rapport de cet atelier (format PDF), cliquez sur le lien suivant :

Atelier de réflexion sur les médecines traditionnelles et néo-traditionnelles / Rapport technique, Kasabati 2010

 



11/01/2011
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