Burkina Faso : "Nous demandons la gratuité des examens"

"Nous demandons la gratuité des examens"

 

Par Idrissa Barry

L'Evénement, 1er octobre 2011, Dossier : Santé

 




Les ARV sont gratuits depuis 2010 au Burkina. Mais cette gratuité est souvent une fiction. Les médicaments des maladies opportunistes sont en fréquentes ruptures dans les centres de santé. Pour les examens biologiques, de nombreux malades manquent de moyens pour se faire examiner. La question sur toutes lèvres, c'est : A quand la gratuité des examens biologiques ?

 

Dans "Normes et protocoles de prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH au Burkina Faso", une sorte de bréviaire, l'examen au CD4 est décrit comme essentiel. Il permet de déterminer le taux à partir duquel le médecin recommande la mise sous ARV. Pendant le traitement également, le traitant a besoin de savoir l'évolution de l'état du malade et pour le savoir, il faut encore passer par l'examen au CD4. Les résultats vont orienter le médecin sur les molécules à prescrire au malade. Au regard donc de son importance, l'Etat subventionne cet examen. En principe, il est gratuit. Mais dans les faits, les patients doivent débourser entre 3.000 et 10.000 FCFA selon qu'il part dans une structure publique ou dans les cliniques.

 

Dans les CMA du 30 et de Pissy, il coûte 3.000 FCFA. A l'hôpital Yalgado, il est encore plus cher : 5000 FCFA. De nombreux malades n'ont pas l'argent pour payer. Leurs bulletins d'examens dorment à la maison. Le rendez-vous avec le médecin n'est pas respecté. Certains ont peur de se présenter devant le docteur sans les résultats. Mais ils craignent surtout pour leur état de santé : "J'avais accouché il n'y a pas longtemps et je n'avais pas l'argent pour faire les examens. J'avais très mal. Il a fallu trois mois pour que je fasse l'examen avec l'aide de REGIPIV. Depuis 2010, je ne faisais plus d'examen par manque de moyens. J'ai deux enfants dont un bébé. Il faut leur trouver à manger. Mon mari est également séropositif. Il est mécanicien. Il n'a plus beaucoup de force pour aller tous les jours à son atelier. Nos moyens sont donc très limités pour payer les frais d'examens. Notre priorité, c'est trouver à manger.", témoigne Anne Marie. Samira est étudiante à l'université de Ouagadougou. Elle peine également à faire ses examens: "Mon médecin m'a demandé de faire trois examens. Ils coûtent 7.000 FCFA. J'ai reçu l'ordonnance depuis avril, mais je n'avais pas les moyens. C'est en juin que j'ai eu l'argent pour faire deux examens. C'est Mme Barro de AEM qui m'a aidé à faire le premier examen et le deuxième, je me suis débrouillée… quand je suis allée pour faire cet examen, malheureusement pour moi, il y avait rupture de réactifs. J'ai dû patienter quelques jours. Pour le troisième examen, j'attends que le Foner tombe."

 

Nous l'avons revue en août et elle avait pu faire son troisième examen. Mais au début septembre, son médecin lui a demandé de faire un autre examen. Elle est dans le dilemme: "Quand on prend les médicaments, on a faim. Ils donnent envie de manger alors qu'on n'a pas l'argent. Il faut en plus faire des examens. Tu es donc sommé de faire le choix entre la nourriture et les examens. Le choix n'est pas facile parce que quel qu'il soit, c'est ta santé qui prend un coup." Elle est orpheline depuis 1996. Ses deux parents se sont suivi "mystérieusement" dans l'autre monde. C'est en 2005 qu'elle a fait le test qui s'est révélé positif. Elle prenait juste le cotrimoxazole jusqu'en 2011.

 

Des cas sociaux de ce genre, il y en a beaucoup dans les associations. Ce sont surtout des femmes sans emplois qui sont les plus concernées. Certaines sont sans soutien. Mme Gnegnin mendie devant un CMA pour subvenir à ses besoins primaires et aussi pour faire ses examens. "Je suis sous ARV depuis 2008. Mon mari est gardien. Il ne m'aide pas du tout. Il a refusé de faire le test alors qu'il est tout temps malade. Comme il est régulièrement couché pour cause de maladie, il n'est pas bien payé. Je vendais donc du charbon pour survivre, mais ça ne marche plus. Aujourd'hui je mendie devant le CMA pour avoir de quoi manger et apporter un peu à la maison. Nous avons 5 enfants et aucun ne travaille." Elle nous montre son ordonnance où il est prescrit deux examens : le NFS et le CD4. "Les deux examens font 4.500 FCFA, mais je n'ai rien.", avoue-t-elle.

 

Devant ces situations de détresse, les centres médicaux ont mis en place un système de prix forfaitaire pour un certain nombre d'examens fréquemment demandés aux PVVIH/sida. Pour un ensemble de 5 examens dont le CD4, le patient paie 5.000 FCFA. Le procédé est favorable pour ceux qui sont dits "tolérants" à leurs médicaments. Ce qui n'est pas le cas chez tous les patients qui, pour diverses raisons, doivent faire un ou deux examens pour réadapter leur traitement. Ceux-ci sont obligés de payer le tarif "normal". Les services de l'Action sociale ne désemplissent pas. Ils arrivent à soutenir un petit nombre. Pour le reste, c'est la compassion. "Face à certains cas pathétiques, c'est nous-mêmes les agents qui mettons les mains à la poche car le service n'a pas de caisse menu dépenses, encore moins pour le soutien aux patients. Il n'y a pas non plus de stock de médicaments pour les cas d'urgence", souligne Hermann Dabira du service Action sociale du CMA du secteur 30.

 

Idrissa Barry

 

 


 

Cet article est disponible sur le site du journal L’Evénement, à l’adresse suivante :

http://www.evenement-bf.net/pages/dossier_1_218.htm



19/10/2011
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