Les homosexuels français toujours interdits de don du sang
Pour que les homosexuels puissent eux aussi donner leur sang
Par Dominique Baudis, Défenseur des droits
Mercredi 30 décembre 2011
Priorité sanitaire absolue, la lutte contre le VIH met à l’épreuve l’attachement de nos sociétés à leurs idéaux : parmi lesquels, le respect de la personne humaine, la solidarité et l’égale dignité de tous.
La journée mondiale contre le Sida nous donne l'occasion de constater que, sur le plan de la lutte contre les préjugés et les discriminations, le combat est toujours loin d'être gagné: les personnes séropositives demeurent trop souvent confrontées à l'exclusion, au rejet, voire à la ségrégation.
L'information et la sensibilisation contre les préjugés attachés au VIH me semblent relever d'une exigence fondamentale d'égale dignité. Le Défenseur des droits intensifiera donc ses actions dans ce domaine. La stigmatisation et l'exclusion créent en effet un risque discriminatoire bien réel, dont l'impact se fait ressentir sur le plan psychologique, social, économique et juridique, voire thérapeutique.
Comment inciter au dépistage, quand le diagnostic d'une séropositivité expose au rejet ? Comment accepter qu'un enfant puisse être marginalisé à l'école par méconnaissance de la réalité du VIH et de ses modes de transmission ?
Le refus de soin, une discrimination
Dans une enquête de Sida Info Services, 50% des séropositifs interrogés déclarent avoir été victimes de discriminations de la part de professionnels de santé. Et ce, alors même que, comme l'a rappelé le Conseil national de l'Ordre des médecins, les précautions qui doivent être prises pour tous les patients prémunissent contre la transmission du HIV.
Les refus de soins sur la base de la séropositivité d'un patient constituent une discrimination et notre institution continuera à accompagner les victimes dans la reconnaissance de leurs droits.
Parce que l'accès à l'emploi ou la poursuite de la carrière pour les séropositifs sont des éléments déterminants de l'égalité de traitement, je veillerai par ailleurs à ce que le travail engagé sous la Halde se poursuive dans le cadre du Défenseur des droits.
Une enquête réalisée conjointement par la Halde et l'Organisation internationale du travail (OIT) fin 2010 montre que les personnes séropositives ou atteintes du Sida sont parmi les plus exposées au risque de discrimination dans l'emploi.
Des chances égales de recrutement
En édictant, en juin 2010, une norme internationale du travail sur le VIH et le Sida, l'OIT a rappelé que les programmes de prévention et les mesures antidiscriminatoires contribuent à la réalisation des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, y compris les travailleurs, leurs familles et les personnes à leur charge.
Parmi ces droits, celui au respect de la confidentialité des informations personnelles liées au statut sérologique, le droit à un aménagement raisonnable des conditions de travail, à des chances égales de recrutement et de maintien dans l'emploi ainsi qu'à l'accès aux prestations de l'assurance médicale offerte par l'employeur.
Je signerai prochainement une convention cadre avec l'OIT qui permettra, entre autres, de mettre en place des initiatives communes sur la santé au travail, en incluant les questions de formation et de sensibilisation face au VIH-Sida.
De telles initiatives me paraissent conforter l'effectivité du droit universel à la santé dans les structures de santé, médico-sociales, ou encore éducatives sur notre territoire, notamment pour les étrangers malades.
Elles doivent être complétées par la poursuite d'une mobilisation sans faille de notre pays pour rendre accessibles des traitements efficaces aux populations de pays moins avancés et contribuer ainsi à la réalisation du sixième Objectif du millénaire pour le développement («avoir enrayé la propagation du VIH et commencé à inverser la tendance actuelle»).
Au plan international, le combat pour les droits des personnes séropositives implique aussi de se mobiliser pour leur libre circulation. Si des avancées ont été réalisées, des restrictions à l'entrée, la circulation ou la résidence des séropositifs perdurent. Elles doivent être levées.
Limiter les restrictions de dons du sang aux personnes à risque réel
Enfin, je relève qu'en France même, le don du sang demeure interdit aux hommes homosexuels du seul fait de leur orientation sexuelle et ce, quel que soit leur comportement sexuel.
Pourtant, la Commission européenne, rappelant que l'Article 21 de la Charte européenne des droits fondamentaux proscrit les discriminations liées à l'orientation sexuelle, a souligné que, si le droit communautaire justifiait des exclusions du don de sang de la part de personnes présentant un risque élevé de contracter de graves maladies infectieuses, c'était en raison du comportement sexuel de celles-ci et non en fonction de leur orientation sexuelle.
Aussi, comme le préconisait la Halde dans une délibération de février 2006 et comme c'est déjà le cas en Italie, en Espagne ou au Portugal et, depuis peu, en Grande Bretagne, la France devrait à son tour limiter les restrictions de don aux seules personnes, hommes ou femmes, présentant un risque accru du fait exclusif de comportements sexuels à risque.
Priorité sanitaire et sociale, la lutte contre le VIH met à l'épreuve l'attachement de nos sociétés démocratiques à leurs idéaux: parmi lesquels, le respect de la personne humaine, la solidarité et l'égale dignité de tous. Du fait de nos propres valeurs s'imposent à nous des exigences démocratiques. Être en deçà serait la preuve d'un renoncement coupable. Sur toutes ces questions, il y a urgence à agir.
Article paru à l'adresse suivante :
http://www.liberation.fr/societe/01012374811-pour-que-les-homosexuels-puissent-eux-aussi-donner-leur-sang