Avis du CNS sur la question du secret professionnel

Confidentialité : Avis sur la question du secret professionnel appliqué aux soignants des personnes atteintes par le VIH

 

Conseil National du Sida (CNS), France, 16 mai 1994

 

 

Sensible à l'inquiétude diversement exprimée du risque de contamination par voie sexuelle en cas de non divulgation de son statut par le patient séropositif à ses partenaires, le Conseil national du sida s'est saisi de la question en sa séance du 28 avril 1994 .

 

Cet avis paraît d'autant plus nécessaire aux membres du Conseil national du sida que viennent de paraître quasi simultanément le rapport de l'Académie nationale de Médecine, au nom de la commission XIX (Sida), intitulé Secret professionnel et sida et le Rapport de la Commission de réflexion sur le secret professionnel appliqué aux acteurs du système de soins réalisé à la demande du ministre Bernard Kouchner par le docteur Louis René. Face à la diversité des positions prises dans ces documents, le Conseil national du sida entend réaffirmer les principes qui ont toujours été les siens.

 

Les deux rapports mentionnés ci-dessus soulignent le caractère fondamental du secret professionnel dans la pratique de soins en tant qu'élément indispensable de la relation de confiance entre les malades et les médecins. En général, le corps médical, comme la population française, reste attaché à cette garantie essentielle. Toute violation du secret médical est perçue par le patient comme une trahison à son égard.

 

La divergence essentielle entre ces deux documents tient à un point précis. Alors que le rapport de la

Commission de réflexion présidée par Louis René souligne le caractère intangible en toutes circonstances du secret médical (tout en admettant la notion de secret partagé), le rapport de l'Académie nationale de Médecine, qui concerne exclusivement le secret professionnel dans le cas du sida, se prononce en faveur d'une divulgation possible, à titre exceptionnel, de la séropositivité d'un patient à son ou ses partenaires lorsque le patient se refuse à faire lui-même cette révélation.

 

Cette question est posée en raison de l'importance particulière que revêt l'épidémie mondiale du sida, du fait que cette maladie n'est actuellement pas guérissable et de l'absence pour le moment d'un vaccin pour s'en protéger. L'infection à VIH et le sida ont renouvelé et rendu plus aiguë encore la contradiction entre les impératifs de respect des droits de la personne concrétisé par l'obligation de secret professionnel et les impératifs de protection de la collectivité représentée ici par le partenaire d'une personne séropositive. Cette grave contradiction est illustrée par les situations où une personne séropositive refuse d'informer son partenaire. Ce sont ces divers points qui justifient les conclusions du rapport de la Commission XIX de l'Académie nationale de Médecine.

 

Le Conseil national du sida, considérant que ce débat ne se pose pas d'abord en termes juridiques mais en termes de morale et de responsabilité des comportements, estime nécessaire d'évaluer les avantages et les inconvénients de la levée du secret à l'égard des partenaires sexuels d'une personne touchée par le VIH, sans son consentement.

 

Les avantages de la levée du secret médical seraient de protéger les intérêts de tiers dans un certain nombre de cas en évitant :

-         La contamination d'un partenaire laissé dans l'ignorance ;

-         La non-révélation à une femme enceinte qui court le risque d'être contaminée, ou de contaminer son enfant sans bénéficier du traitement qui actuellement diminue le risque de contamination

-         materno-foetale ;

-         La non-déclaration de la cause du décès au partenaire sexuel resté antérieurement dans l'ignorance (l'empêchant ainsi de se faire tester et éventuellement suivre) ;

-         La dissémination volontaire éventuelle.

 

La levée du secret médical comporte des dangers et des inconvénients :

L'impossibilité de vérifier la fiabilité des déclarations du patient sans recourir à un système d'enquête quasiment policier ;

L'inefficacité des stratégies de prévention liée à la perte de confiance dans la relation entre le patient et le médecin avec pour conséquences le refus du test, le changement de médecin, le non-recours aux soins, l'incitation à la fraude et la déresponsabilisation ;

Des risques de dérive : envisager de façon ouverte une rupture du respect strict et absolu du secret professionnel, même à titre exceptionnel pour le sida, expose à d'autres ruptures qui, à terme, mettraient gravement en cause son principe même. L'information pourrait être réclamée par d'autres que les partenaires sexuels (milieu scolaire, professionnel, pénitentiaire, etc.) et divulguée pour d'autres pathologies que le sida ;

Des risques de dérive : envisager de façon ouverte une rupture du respect strict et absolu du secret professionnel, même à titre exceptionnel pour le sida, expose à d'autres ruptures qui, à terme, mettraient gravement en cause son principe même. L'information pourrait être réclamée par d'autres que les partenaires sexuels (milieu scolaire, professionnel, pénitentiaire, etc.) et divulguée pour d'autres pathologies que le sida.

 

En définitive, il ne peut y avoir, de la part du médecin, recherche des partenaires sexuels pour notification qu'en abolissant gravement et sans doute définitivement le contrat de confiance qu'établit le secret professionnel. En outre, cette recherche implique un cortège de mesures répressives et de contraintes difficilement acceptables sur le plan éthique. Le Conseil national du sida estime que les inconvénients d'accepter pour le sida une rupture du secret médical l'emportent sur les avantages. Il importe de tout faire pour que les membres du corps médical contribuent à aider les personnes séropositives à assumer leur responsabilité envers leurs partenaires. Le Conseil national du sida recommande que les messages de prévention diffusés auprès du public soulignent particulièrement la responsabilité de chacun, le respect de l'autre et la solidarité. Il estime que placer les avantages supposés de la société avant celui de la personne constituerait une grave injustice pour tous ceux, les plus nombreux, qui s'efforcent sans contrainte de garder leur dignité d'individus responsables.

 

 

Cet avis est disponible sur le site du CNS à l’adresse suivante :

http://www.cns.sante.fr/htm/avis/confidentialite/16_05_94/fr_1_b.htm

 



25/07/2010
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