Bioéthique et culture

Bioéthique et culture

 

Par Christian BYK (2007)

 

Si nous considérons que la Bioéthique est un forum d’engagement interdisciplinaire vis-à-vis des questions soulevées par le développement de la biotechnologie, elle est certainement étroitement liée à ce que nous appelons la Culture. Cependant, il existe une grande ambiguïté dans la pratique de la Bioéthique.

 

Lorsqu’ils sont conscients du besoin d’un débat social sur le rôle des technosciences dans la société, les scientifiques ont souvent le sentiment que les craintes et les malentendus soulevés par les nouvelles technologies peuvent être écartés par une meilleure éducation du public, une plus forte implication des médecins et une bonne observance de la part de la société de principes universels tels que les Droits de l’Homme.

 

Cette approche rationnelle de la Bioéthique est partagée également par les membres d’autres disciplines et par les décideurs publics. Elle a tendance à créer un parallèle entre, d’une part, la science et ses applications qui suivent une logique rationnelle, une méthodologie, utilisant des mots et des concepts communs, et, d’autre part, la Bioéthique et le Biodroit, qui sont censés fournir des réponses adéquates aux conséquences humaines découlant de l’utilisation de la biotechnologie selon un ensemble de valeurs universelles et à l’aide d’un raisonnement et d’un processus de prise de décisions communs.

 

En tant que science, la Bioéthique devient donc un phénomène mondial et standardisé. Mais en même temps que nous déclarons que le Génome Humain est l’Héritage Commun de l’Humanité et qu’il sous-tend l’unité fondamentale de l’espèce humaine, nous sommes les acteurs et les témoins de comportements communautaires qui conduisent à la guerre civile et au génocide et contestent ce que nous considérons être la dignité humaine.

 

En ce qui concerne l’application des principes universels de la bioéthique, de nombreuses difficultés surgissent dans la pratique.

 

Quelle est, par exemple, la signification du consentement éclairé individuel lorsque la culture sociale implique soit une décision collective au sein de la famille soit la décision prise par le responsable du groupe ?

 

Un conflit opposant les principes des Droits de l’Homme aux valeurs culturelles et sociales semblent donc inévitable dans de nombreuses circonstances.

 

Cependant, comme la Culture est aussi fondamentale pour l’espèce humaine que la biodiversité pour le monde vivant, nous ne devrions pas considérer les Droits de l’Homme et la Bioéthique comme une réalité statique mais tout simplement comme une réalité sociodynamique.

 

L’universalité des Droits de l’Homme n’implique pas que leur application doive conduire à un nouvel absolutisme. Nous croyons que les principes des Droits de l’Homme doivent être appliqués autant que possible dans une situation contextuelle.

 

Voilà la raison pour laquelle nous sommes pour l’émergence d’une « ethno-bioéthique ».

 

Tout d’abord, elle impliquerait la reconnaissance de l’existence d’autres systèmes de valeurs culturelles capables de générer leurs propres normes sociales.

 

En deuxième lieu, elle conduirait à l’abolition de toute idée de hiérarchie entre les différentes valeurs culturelles même s’il reste important d’échanger des opinions et même de provoquer des explications qui sont parfois forcément conflictuelles entre ces opinions.

 

Troisièmement, il nous faut considérer que les systèmes culturels, basés principalement sur des régions géographiques, ne sont pas des systèmes fermés.

 

Par exemple, diverses études ont montré que l’opinion chinoise sur l’avortement n’était pas seulement exprimée dans la position officielle du gouvernement, mais qu’elle prenait également en ligne de compte d’autres opinions. Les cultures et les valeurs sont effectivement interactives bien que les mécanismes de cette interaction soient complexes.

 

La culture allemande fut importée dans la Russie du XVIIIe siècle tout comme la connaissance de la culture russe fut introduite en France par les germanistes. Nous savons tous que l’émigration, non seulement culturelle mais aussi économique, a joué un rôle important et décisif dans ces échanges culturels.

 

Comme Milan Kundera nous le rappelle avec lucidité et intelligence : « les petites nations constituent « une autre Europe » dont l’évolution est parallèle à celle des grandes nations… Dans sa meilleure période, une petite nation peut être considérée culturellement comme une ville de la Grèce antique ». Il faut interpréter la relation entre la Bioéthique et la Culture de la même manière.



07/05/2008
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