Enjeux d’indépendance et stratégies de financement du TRT-5

Enjeux d’indépendance et stratégies de financement du TRT-5, groupe français de plaidoyer en matière thérapeutique et de recherche (1992-2007)

 

Auteurs : François Berdougo-Le Blanc (TRT-5), Franck Barbier (AIDES, TRT-5), Corinne Taéron (ARCAT, TRT-5), Fabrice Pilorgé (Act Up-Paris, TRT-5), Elise Bourgeois-Fisson(TRT-5), Hicham M’Ghafri (AIDES, TRT-5), Jean-Michel Vimond (Sida Info Service, TRT-5), M. Molina (Act Up-Paris, TRT-5)

 

Le TRT-5 fait en sorte d’organiser son financement de manière à poursuivre en toute indépendance ses actions de lobby et de plaidoyer. Détails et explications.

 

Pour porter la parole et l’expression des besoins des malades et défendre leurs droits et intérêts auprès des autres acteurs de la santé, qu’ils soient publics ou privés, les associations et collectifs d’associations de personnes vivant avec le VIH/sida (PLWAs) doivent faire preuve d’indépendance. Cette indépendance est essentielle à la crédibilité et à la légitimité de leurs actions et revendications. Elle est un des déterminants de l’éthique d’une organisation de personnes vivant avec le VIH/sida et de ses positionnements. Elle est le gage de la confiance des malades et, plus généralement de la société, dans leur action.

 

Comme elles ne disposent pas toujours de revenus issus de leur activité, les associations et collectifs de personnes vivant avec le VIH/sida (PLWA) recherchent constamment le soutien financier de bailleurs (institutions publiques, fondations, industrie pharmaceutique) pour mener leurs actions. Le financement des associations par l’industrie pharmaceutique est, depuis longtemps, source de nombreux débats puisque l’industrie a des intérêts évidents à les « contrôler » et les « séduire » ces acteurs.

 

Les ressources financières du TRT-5 Le budget du TRT-5 émane depuis plusieurs années des cotisations de ses associations, de Sidaction, des pouvoirs publics, des agences publiques de santé et de l’industrie pharmaceutique. Les proportions respectives des contributions de ces différents acteurs sont relativement stables ces dernières années. La proportion des fonds apportés par l’industrie pharmaceutique a montré une tendance à l’augmentation jusqu’en 2006 où elle a atteint 45,5 % du total ; elle représentait 42 % en 2007 et 41 % en 2008. Sur la base de ces chiffres, on pourrait penser que le TRT-5 dépend de l’industrie pharmaceutique et ne peut donc librement prendre position sur ce qui constitue pourtant son domaine de compétence. Nous souhaitons démontrer que ce n’est pas le cas.

 

Le TRT-5 est-il dépendant de l’industrie pharmaceutique ? En 2008, les 41 % du budget du TRT-5 issus de l’industrie pharmaceutique reposent sur 13 laboratoires différents. La contribution moyenne de chaque laboratoire se monte à 6 153 euros, avec une fourchette variant de 3 000 à 9 000 euros. Si un laboratoire décidait de priver le TRT-5 de sa subvention en guise de « réprimande », le préjudice pour le groupe ne mettrait pas en danger son existence.

 

 

De ce fait, le TRT-5 est en capacité d’exprimer, à chaque fois qu’il le juge nécessaire, des positionnements publics pour dénoncer les attitudes inacceptables des laboratoires. Durant les années écoulées, le TRT-5 s’est notamment opposé :

-         à Roche sur l’accès précoce à l’enfuvirtide (Fuzeon®), sur la mise à disposition d’une méthode d’administration alternative aux « aiguilles classiques » du Fuzeon® (Biojector 2000®), ou encore sur la contamination du Viracept® (nelfinavir) par l’éthyl mésylate ;

-         à Boehringer Ingelheim sur l’accès précoce au tipranavir (Aptivus®),

-         à Bristol-Myers Squibb au sujet des effets indésirables de ses traitements (Zerit®, Sustiva®) ou l’arrêt de la production de la formule 100mg du Sustiva®,

-         à Pfizer, Schering-Plough et GlaxoSmithKline dans l’affaire des anti-CCR5,

-         à Abbott sur le développement d’un Norvir® thermostable (dit « formule sèche »), sur les restrictions d’accès au Kaletra® en Thaïlande et la plainte contre Act Up-Paris...

 

Les acteurs associatifs sont un des rares contrepouvoirs face à l’industrie pharmaceutique : ni les agences réglementaires, ni le corps médical ne peuvent tenir un discours aussi radical que les associations face à l’industrie pharmaceutique. Seuls les acteurs associatifs peuvent avoir la légitimité de défendre la parole et l’intérêt des personnes atteintes, sans autre considération.

 

Les conditions de l’indépendance des associations de PVVIH et de la confiance qu’on place en elles Un des moyens pour les associations et collectifs d’associations de personnes vivant avec le VIH/sida de préserver une parole indépendante est de multiplier les sources de financement de manière à ce que la contribution de chaque financeur à leur budget soit réduite et facilement comblée par une réduction des dépenses ou l’augmentation d’un autre poste de subvention. Le fait de recevoir des financements de l’industrie pharmaceutique permet également de préserver son dépendance vis-à-vis des structures publiques ou des autres acteurs privés. Pour se développer en maintenant son équilibre financier, le TRT-5 doit accroître l’ensemble de ses ressources. Nous refusons des options faciles mais éthiquement problématiques que peut pourtant offrir l’industrie aux représentants des malades. Nous envisageons plutôt d’accroître les subventions publiques, d’obtenir le soutien de fondations privées ou de faire financer des projets spécifiques, comme notre engagement sur les femmes.

 

Le TRT-5 fonde son éthique des ressources financières sur deux axes : la diversité des financeurs, et la transparence, donnée sine qua non pour attester de la crédibilité et de l’honnêteté de sa démarche associative. Le TRT-5 se joint donc aux appels à la transparence financière pour tous les acteurs associatifs de la santé, quels que soient leurs types d’actions et quelles que soient les provenances de leurs ressources.

 



07/08/2008
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 169 autres membres