Enquête sur les produits néo-traditionnels au Bénin

Enquête sur les produits néo-traditionnels au Bénin

 

Sidaction, 22 septembre 2009

Entretien avec le Dr Alice GOUGOUNON

Propos recueillis par Claire MAGONE

 

 

Dans une enquête réalisée au Bénin par l'association Racines, près de 10% des patients interrogés recourent à la médecine néo-traditionnelle. Le point avec le Dr Alice GOUGOUNON.


Alice GOUGOUNON est médecin dans le service de médecine interne du Centre national hospitalier et universitaire de Cotonou (CNHU), la capitale économique du pays. Elle travaille aussi à Racines, ONG béninoise de prise en charge globale des personnes vivant avec le VIH. Soutenue par Sidaction depuis plusieurs années, Racines a rejoint en 2008 le programme Ethique de la recherche à travers la question du recours à la médecine dite néo-traditionnelle dans le domaine du VIH.

 

Pourquoi vous intéresser à la médecine néo-traditionnelle ?


Parce que nous constations à l'hôpital que la santé de certains patients se dégradait brusquement, sans raison apparente. Après discussion avec eux, il est apparu qu'ils avaient souvent en commun d'avoir démarré un traitement dit « néo-traditionnel », en parallèle ou à la place de leur traitement ARV. Sans établir un lien direct de cause à effet, nous avons pensé qu'il fallait explorer cette problématique pour évaluer l'ampleur du phénomène. Nous souhaitions également comprendre les motivations des personnes infectées à recourir à la médecine parallèle, souvent très coûteuse, dans le contexte béninois d'accès gratuit aux traitements ARV.


Comment avez-vous procédé ?


Nous avons établi un questionnaire adressé à 408 personnes infectées membres de huit associations et de deux centres de prise en charge, Racines et le CNHU. Ces questionnaires ont été administrés majoritairement par des médiateurs et complétés par huit discussions de groupes. En parallèle, nous avons mené des entretiens avec certains des tradipraticiens ayant proposé leurs produits à des personnes infectées. Cela pour en savoir plus sur la façon dont ils ont présenté leurs propriétés. Et conseillé leurs clients par rapport à la poursuite ou l'abandon de leur traitement antirétroviral.


Quels sont les résultats ?


Ils sont en cours d'exploitation, mais nous pouvons déjà en tirer quelques conclusions.
Près de 10 % des patients interrogés ont recours à la médecine néo-traditionnelle. Parmi eux, près de la moitié sous ARV ont interrompu leur traitement [ARV] sur les conseils d'un tradipraticien. La majorité d'entre eux ont déclaré avoir eu recours à ces produits traditionnels dans l'espoir de « guérir » du sida. Autre résultat qui nous interpelle particulièrement : la plupart des patients ayant interrompu leur traitement ARV continuaient à venir collecter les médicaments, par peur des remontrances du personnel médical, mais aussi pour continuer à bénéficier du suivi biologique et du contrôle des CD4. Dans certains cas, ils communiquaient ces résultats aux tradipraticiens qui pouvaient accéder à des moyens de « vérifier » l'efficacité de leurs produits.


Quels enseignements en avez-vous tirés ?


Cette étude nous oblige à regarder en face ce que nous soupçonnions déjà : de nombreuses personnes infectées ont recours à la médecine moderne et à la médecine néo-traditionnelle, et nous devons composer avec cette réalité. Elle permet aussi d'ouvrir le dialogue sur ce sujet tabou entre soignants et patient. Ces derniers ont souvent peur du jugement du personnel médical et préfèrent cacher leurs pratiques. C'est une première étape pour mieux maîtriser le parcours thérapeutique de nos patients et mieux comprendre leurs motivations.

 

 

Cet entretien est également consultable sur le site de Sidaction à l’adresse suivante :

http://www.sidaction.org/ewb_pages/m/medecine_neotraditionnelle_vih.php

 



11/10/2010
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