Le VIH est un virus, pas un crime

« Le VIH est un virus, pas un crime »


Conférence de Mexico, 2008

Extrait de la présentation d’Edwin Cameron, juge à la Cour suprême de Pretoria (Afrique du Sud)

 

Le temps fort des présentations consacrées à la criminalisation a été l’intervention d’Edwin Cameron, juge à la Cour suprême de Pretoria, en Afrique du Sud, intitulée « Le VIH est un virus, pas un crime ». Ouvertement gay et séropositif, Edwin Cameron a passé en revue plusieurs jugements récents pour démontrer que « de mauvaises lois peuvent contribuer à la propagation du VIH. Le droit pénal est tout simplement un mauvais cadre de référence pour répondre à la transmission du VIH. Partout où il est mis à l’essai, il s’avère contreproductif et injuste ».


Et en la matière, les pays riches n’ont de leçons à donner à personne. Exemple avec ce procès au Texas, où un homme a écopé en mai dernier de 35 ans de prison (pour moitié incompressible) pour avoir craché sur un policier. Parce qu’il était séropositif, le juge a estimé que sa salive était une arme mortelle (même si le CDC a déclaré que la salive n’a jamais occasionné de transmission du VIH). Comme l’a résumé Edwin Cameron, l’homme n’a pas été condamné pour ce qu’il a fait, mais parce qu’il était porteur du virus.


Le juge Cameron a affirmé sans ambiguïté que la loi peut s’appliquer quand il y intention délibérée et transmission effective du VIH de la part de quelqu’un qui sait qu’il est atteint. Mais hormis cette situation très exceptionnelle, le juge Cameron a présenté les dix raisons de l’inefficacité de la répression, avant de conclure sur la nécessité de faire de Mexico le début d’une campagne contre la criminalisation et d’appeler chacun à « retourner dans son pays avec en tête la volonté de persuader les législateurs et les juges de la folie et de la duperie de la criminalisation » :

 


1. La criminalisation est inefficace : ces lois n’arrêtent pas le virus qui se transmet le plus souvent entre deux adultes consentants qui ignorent leur statut.

 

2. Les lois et les poursuites judiciaires sont un pauvre substitut aux mesures qui permettraient de protéger réellement ceux qui sont le plus à risque : nous n’avons pas besoin de lois mais d’une prévention efficace, de protection contre la discrimination, de réduire la stigmatisation, d’un leadership puissant, d’un accès au test, et – le plus important – d’un accès au traitement. Le VIH n’est pas un crime, c’est un virus.


3. La criminalisation victimise, oppresse et met en danger les femmes : en appliquant ces lois on aggrave la vulnérabilité des femmes.


4. Les lois et les poursuites qui criminalisent sont appliquées de façon sélective et injuste : ce sont souvent les individus des groupes les plus vulnérables (sex workers, MSM, Africains immigrés en Europe) qui sont poursuivis.


5. La criminalisation pointe la faute sur une seule personne au lieu de faire porter la responsabilité sur les deux : le monde entier sait que les relations sexuelles sont potentiellement porteuses d’un danger. On ne peut plus prétendre que la personne séropositive est seule responsable pour avoir apporté ce risque dans l’environnement.


6. Les lois criminalisant la transmission du VIH sont difficilement applicables et humiliantes : quand il y a intention délibérée, il est facile d’utiliser l’arsenal judiciaire existant, mais il n’y a pas besoin de loi spécifique pour cela. Quand il n’y a pas intention délibérée, ces lois ne font qu’introduire de l’incertitude.


7. La plupart de ces lois sont très mal rédigées : elles sont parfois tellement vagues que de simples gestes d’affection peuvent être poursuivis.


8. La criminalisation renforce la discrimination : ces lois spécifiques nourrissent la conviction que le VIH est une condition honteuse, dégradante et repoussante qui nécessite des mesures d’isolement des personnes atteintes.


9. La criminalisation est un repoussoir pour se faire tester : pourquoi savoir si je suis infecté si je risque des poursuites ?


10. La criminalisation pointe du doigt les séropositifs et punit la vulnérabilité : le plus grand effet de la criminalisation est de renforcer la stigmatisation, la solitude, la peur et la crainte des poursuites et de l’ostracisme, tous ces facteurs qui éloignent les gens du test et du traitement.

 



Quelques mois plus tard, à l’occasion de la XVème Conférence Internationale sur le Sida et les MST en Afrique (CISMA) qui s’est tenue à Dakar du 3 au 7 décembre 2008, la plateforme ELSA a organisé un atelier satellite sur ce thème. Intitulé « La criminalisation de la transmission du VIH », cet atelier a permis à plusieurs organisations de prendre la parole :

 

-         « Questions posées et enjeux de l’adoption d’une loi spécifique sur le VIH Sida : le cas du Niger » (Stéphanie TCHIOMBIANO – SOLTHIS Niger)

-         « Nouvelles lois sur le VIH/Sida au Burkina : Protection ou répression ? » (Vincent BASTIEN et Simon KABORE, KASABATI / RAME, Burkina Faso)

-         « Pénalisation de la transmission : La réponse au VIH/sida n’est pas juridique » (Pauline LONDEIX – Act Up-Paris, France)

-         « Criminalization and its Discontents: HIV, Public Health and Human Rights » (Lucy STACKPOOL-MOORE – IPPF, London, Angleterre)

 



 



18/02/2009
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