Médicaments pour enfants américains... testés dans les PED !

Beaucoup de médicaments pour les enfants des Etats-Unis sont testés dans les pays pauvres

 

Frederik JOELVING

23 août, 2010

 

 

NEW YORK (Reuters Health) - Une loi visant à accélérer le développement de nouveaux médicaments pour les enfants s'est transformée en financement d'études cliniques dans des pays pauvres, là où ces traitements n'iront peut-être jamais. Voilà la conclusion d'un nouveau rapport dont les auteurs disent que cette situation pose des problèmes éthiques. Plus du tiers des études publiées réalisées selon la législation de 1997 appelée la Clause d'exclusivité en pédiatrie (Pediatric Exclusivity Provision) ont été conduites en partie dans des pays pauvres ou en transition comme l'Inde et l'Ouganda, c'est ce qu'ont découvert les chercheurs.

 

« Nous décrivons une tendance qui soulève des problèmes éthiques et scientifiques » a déclaré le Dr. Sara K. Pasquali, une pédiatre à Duke University Medical Center de Durham, en Caroline du nord, dont les conclusions apparaissent dans le journal de pédiatrie (Pediatrics). « Bien souvent, participer à une étude est la seule façon pour la famille d'accéder aux soins » dit-elle des participants dans les pays en développement. Une fois les études finies, il n'est pas certain que le médicament sera commercialisé dans le pays en question, et si son prix sera abordable.

 

Parmi les 174 études analysées par les chercheurs, les médicaments contre les maladies infectieuses sont parmi ceux plutôt étudiés dans les pays en développement, ils sont suivis de près par les produits de cardiologie, ceux pour les allergies et ceux traitant des arthrites. « On utilise maintenant les gens vulnérables des pays vulnérables comme laboratoires de tests » a dit à Reuters le Dr. Marcia Angell, qui n'a pas participé à ces recherches. « C'est une question de dollars et de centimes, c'est tout ». Angell ajoute que, chez les adultes ou les enfants, on ne devrait pas étudier de médicaments dans les pays non développés à moins qu'il ne s'agisse d'une maladie qui n'apparaît que là-bas. Angell enseigne la médecine sociale à Harvard Medical School à Boston.

 

L'idée derrière la Clause d'exclusivité en pédiatrie est de sensibiliser au développement de médicaments pour les enfants aux Etats Unis. Parce que de nombreuses maladies n'apparaissent que rarement chez les enfants, les études cliniques sont faites chez des adultes seulement, et leurs résultats ne peuvent automatiquement s'appliquer aux enfants. La clause pédiatrique accorde une prolongation de 6 mois de la durée du brevet si le médicament a été étudié chez les enfants. Pour l'instant, cette prolongation du brevet a rapporté environ 14 millions de dollars US net, selon la FDA  (U.S. Food and Drug Administration). Dans le même temps, 197 médicaments ont été approuvés pour les enfants depuis 1997, a déclaré Pasquali. « Il faut bien sûr considérer les deux côtés du problème » a-t-elle dit au sujet de la globalisation rapide des études cliniques, ajoutant que cela facilite le recrutement des participants tout en en diminuant les coûts.

 

Selon l'association des labos U.S. (Pharmaceutical Research and Manufacturers of America) il n'y a pas de différence dans la conduite des études entre les U.S.A. et ailleurs. « Tous nos labos suivent les principes de conduites des travaux cliniques, quelque que soit le lieu où ils sont menés » a déclaré Mark Grayson, une porte-parole de l'association. Selon ces principes on doit obtenir le consentement éclairé des participants aux études (ou de leurs parents pour les enfants), l'approbation par un comité d'éthique indépendant, et on doit former les investigateurs locaux. Mais le sens du mot "consentement éclairé" peut varier selon le contexte culturel. Ainsi, en 2008, on a cherché à savoir ce que les femmes au Ghana comprenaient des études auxquelles elles participaient. Ces femmes prenaient soit de la vitamine A soit un placebo, et pourtant 90% d'entre elles croyaient prendre le médicament efficace et actif.

 

M. Nabeel Ghayur, un pharmacologiste qui a travaillé sur le développement de médicaments au Pakistan avant de rejoindre l'Université McMaster de Hamilton, Ontario, Canada, a déclaré que les conditions sont les mêmes en Inde et au Pakistan. « En fait les gens ont une confiance aveugle dans leur médecin en Asie du Sud-est. Ils n'ont aucune idée de ce qu'est le développement d'un médicament, ni des études cliniques » a-t-il dit à Reuters. Il a ajouté qu'il y a peu de bureaucratie dans ces pays et que les gens s'interrogent rarement sur les effets secondaires et les questions légales. « Le recrutement des patients est facile, obtenir leur consentement éclairé est facile, obtenir l'autorisation est facile, et payer le médecin et le patient est facile » a dit Ghayur qui ajoute que médecins et investigateurs n'ont aucune idée du sérieux de la situation.

 

Pour Pasquali, il faut amener les fabricants à des normes plus élevées. On pourrait leur demander par exemple de décrire en quoi le médicament est intéressant pour le pays où il sera étudié. De plus on pourrait accroître la transparence en publiant tous les travaux cliniques dans des journaux médicaux - ce qui ne se produit même pas la moitié du temps pour les travaux conduit selon la Clause d'exclusivité en pédiatrie. (Voir cette histoire dans Reuters Health du 2 août 2, 2010.)

 

« Les enfants sont une population vulnérable » a conclut Pasquali.



03/09/2010
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