Microbicides : VOICE nous laisse... sans voix !

Une étude menée chez des femmes abandonne le ténofovir oral pour la prévention du VIH

 

Sean R. Hosein

12 Octobre 2011


 


 

Le fardeau de l'infection au VIH est porté dans une large mesure par la population de l'Afrique subsaharienne, et plus particulièrement par les filles et les femmes. Selon les chercheurs, les messages qui encouragent certains comportements, comme l'abstinence, la monogamie et le port du condom, n'ont eu qu'un impact à long terme limité sur la propagation du VIH dans cette région. Cette situation est en partie attribuable au fait que les femmes n'ont pas le contrôle de leur sexualité et font face à de nombreux obstacles pour parvenir à l'égalité sociale, économique et politique. Il est donc clair qu'il leur faut des options additionnelles pour prévenir la transmission du VIH. 

 

PPrE

 

Le terme prophylaxie pré-exposition (PPrE) désigne toute thérapie anti-VIH que l'on prend avant d'être exposé au virus dans l'espoir de se protéger contre l'infection. On peut prendre la PPrE par voie orale sous forme de pilules ou encore sous forme de crèmes ou de gels appliqués dans le vagin ou l'anus ou sur le pénis. On appelle microbicides les crèmes et les gels possédant une activité anti-VIH que l'on applique sur les organes génitaux. Les crèmes et les gels contenant des médicaments anti-VIH constituent une forme topique de PPrE.

 

Les chercheurs continuent d'étudier les formes topiques et orales de PPrE afin d'être certains de leur efficacité. Plusieurs formulations de PPrE contiennent le médicament antiviral ténofovir (appelé Viread lorsqu’il est utilisé sous forme de pilule) ou des combinaisons de ténofovir et d'un autre médicament appelé FTC (vendu comme co-formulation à dosages fixes sous le nom de Truvada).

 

Des essais cliniques ont permis de constater que la PPrE pouvait réduire le risque relatif d'infection par le VIH. Toutefois, pris de cette manière, les médicaments anti-VIH confèrent une protection inférieure à 100 %, et celle-ci dépend fortement de l'aptitude du patient à prendre ses médicaments en suivant les instructions à la lettre, un comportement appelé observance thérapeutique. En effet, lors de l'essai Caprisa, durant lequel des chercheurs ont comparé l'usage, avant et après les relations sexuelles, d'un gel vaginal contenant du ténofovir à un gel placebo chez des femmes hétérosexuelles, on a observé que le vrai gel réduisait le risque d'infection par le VIH de 39 %.

 

Lors d'un autre essai du nom d'iPrEx mené chez des hommes gais et bisexuels, la prise quotidienne de Truvada sous forme de pilule réduisait le risque relatif d'infection par le VIH de 44 %, comparativement au placebo.

 

Deux autres études (TDF2 et Partners PrEP) ont permis de constater que la prise quotidienne de Truvada ou de ténofovir sous forme de pilule pouvait réduire le risque de contracter le VIH chez les personnes hétérosexuelles. Chose surprenante, cependant, on a interrompu précocement une autre étude appelée FEM-PrEP parce qu'il semblait que la prise quotidienne de Truvada ne permettait pas de réduire le risque d'infection par le VIH chez les femmes hétérosexuelles. Les raisons des résultats décevants de cette étude ne sont pas encore connues.

 

VOICE

 

En Afrique du Sud, des chercheurs mènent une étude appelée VOICE (Vaginal and Oral Interventions to Control the Epidemic) qui est coparrainée par le Microbicide Trials Network et les U.S. National Institutes of Health (NIH). Plus de 5 000 femmes ont été recrutées pour cette étude. Les chercheurs ont affecté au hasard les participantes à l'un des cinq volets suivants de l'étude :

  • Gel vaginal au ténofovir à usage quotidien
  • Gel vaginal placebo à usage quotidien
  • Comprimé de ténofovir à usage quotidien
  • Comprimé de Truvada à usage quotidien
  • Comprimé placebo à usage quotidien

 

Grâce à la conception particulière de cette étude, les chercheurs pourront comparer l'efficacité de différents régimes pour la prévention de l'infection par le VIH lorsque l'étude VOICE sera terminée.

 

Surveillance

 

Beaucoup d'études comptent sur l'apport d'un comité de surveillance indépendant appelé Comité de sécurité et de surveillance des données (CSSD). Le rôle de ce dernier consiste à revoir périodiquement les données recueillies dans le cadre de l'étude et à arrêter ou à modifier celle-ci si des préoccupations surgissent quant à la sécurité des participants ou à l'efficacité des interventions à l'étude.

 

Le Microbicide Trials Network a récemment affirmé que, après avoir examiné les données disponibles, le Comité de sécurité et de surveillance des données a conclu qu'« il n'est pas possible de montrer que les comprimés de ténofovir étaient plus efficaces que le placebo » en ce qui concerne leur capacité de prévenir l'infection par le VIH (ce résultat rappelle celui de l'étude FEM-PrEP qui a été interrompue prématurément). Le CSSD a recommandé que les femmes qui recevaient des comprimés de ténofovir dans le cadre de l'étude VOICE cessent d'en prendre, mais il n'a pas pour autant exprimé de préoccupations concernant l'innocuité du ténofovir. Le Comité a déclaré que les femmes dans les quatre autres volets de l'étude devraient poursuivre leur traitement tel quel.

 

Ces résultats sont surprenants, car l'étude Partners PrEP avait montré que la prise quotidienne de ténofovir réduisait bel et bien le risque d'infection par le VIH chez les femmes hétérosexuelles.

 

Toutes les participantes à l'étude VOICE seront informées des recommandations du Comité de sécurité et de surveillance des données. Même si la prise quotidienne d'un comprimé de ténofovir en PPrE a été arrêtée, les femmes inscrites à l'étude continuent d'utiliser quotidiennement la pilule de Truvada et le gel de ténofovir.

 

Les chercheurs ne savent pas exactement pourquoi le ténofovir oral n'a pas conféré de protection importante aux femmes inscrites à l'étude VOICE, mais les raisons seront peut-être claires lorsque les résultats complets de l'étude seront publiés l'an prochain. Comme l'essai se poursuit, une analyse complète des données n'est pas attendue avant la fin de 2012.

 

Sean R. Hosein

 

RÉFÉRENCES :

  1. Abdool Karim Q, Abdool Karim SS, Frohlich JA, et al. Effectiveness and safety of tenofovir gel, an antiretroviral microbicide, for the prevention of HIV infection in women. Science. 2010 Sep 3;329(5996):1168-74. 
  2. Baleta A. Antiretroviral vaginal gel shows promise against HIV. Lancet. 2010 Jul 31;376(9738):320.
  3. Baeten J. Antiretroviral pre-exposure prophylaxis for HIV-1 prevention among heterosexual African men and women: the Partners PrEP Study. In: Program and abstracts of the 6th International AIDS Society Conference on HIV Pathogenesis, Treatment and Prevention, 17-20 July 2011, Rome. Abstract MOAX0106, 2011.
  4. Thigpen M, Kebaabetswe PM, Smith DK, et al. Daily oral antiretroviral use for the prevention of HIV infection in heterosexually active young adults in Botswana: results from the TDF2 Study. In: Program and abstracts of the 6th International AIDS Society Conference on HIV Pathogenesis, Treatment and Prevention, 17-20 July 2011, Rome. Abstract WELBC01.
  5. Microbicide Trials Network. MTN statement on decision to discontinue use of oral tenofovir tablets in VOICE, a major HIV prevention study in women. Press release. 28 September 2011.

 


Cet article est disponible sur le site canadien CATIE à l’adresse suivante :

http://www.catie.ca/fr/nouvellescatie/2011-10-12/une-etude-menee-chez-des-femmes-abandonne-le-tenofovir-oral-pour-la-preven

 

Il est également disponible en anglais : English Version

 



28/10/2011
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