Rôle des femmes dans les essais VIH

Le rôle des femmes dans les essais VIH

 

ONUSIDA, 5 décembre 2007

 

Dans la deuxième partie de la série sur les essais cliniques et la recherche de moyens de prévention et de traitement efficaces du VIH, l’ONUSIDA traite des raisons pour lesquelles il est impératif sur les plans scientifique et éthique que les femmes et les adolescentes soient suffisamment représentées dans les essais, et des questions particulières que leur participation peut soulever.

 

Les femmes représentent un pourcentage croissant des personnes vivant avec le VIH dans le monde. En Afrique subsaharienne, 61 % des 22,5 millions de personnes vivant avec le VIH sont des femmes et des adolescentes, et les jeunes femmes (15-24 ans) sont trois fois plus susceptibles d’être infectés que les hommes de la même tranche d’âge.

 

Dans les pays industrialisés, certains des niveaux d’infection les plus élevés se trouvent parmi les femmes appartenant aux minorités ethniques.

 

Des décennies après que le sida soit devenu une menace pour la santé partout dans le monde, il est devenu évident que la recherche médicale visant à endiguer la propagation du VIH et à trouver des traitements doit tenir dûment compte de la spécificité des sexes. S’il faut mener des recherches dans les secteurs de la population les plus touchés comme il le convient, cela signifie que les femmes doivent y participer de plus en plus, notamment en Afrique subsaharienne. “Il est important que la recherche sur le VIH soit axée sur les populations les plus exposées au risque d’infection,” a déclaré Catherine Hankins, Conseiller scientifique principal de l’ONUSIDA.

 

Sous-représentation

 

Pourtant, jusqu’assez récemment, les femmes étaient sous-représentées dans les essais de tous les types d’intervention clinique, y compris les essais de vaccins anti VIH. Il y a trente ans, les Etats-Unis avaient interdit la participation des femmes en âge de procréer aux phases initiales des essais cliniques. Cette mesure avait été prise en réponse à la tragédie de la thalidomide à la fin des années 50 et début des années 60 quand des milliers d’enfants sont nés difformes en Europe. On avait prescrit aux mères de la thalidomide, un somnifère, pour combattre les effets de la nausée au réveil pendant la grossesse.

 

Bien que la réglementation du Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques (Food and Drug Administration (FDA) visait uniquement les femmes en âge de procréer, elle a en fait empêché toutes les femmes de prendre part à des essais, y compris celles peu susceptibles de procréer, comme les femmes utilisant des moyens de contraception, les femmes stériles, les célibataires ou les lesbiennes. Par conséquent, les essais cliniques pour tous les moyens de prévention ont été effectués pendant plusieurs années, y compris le début des années 80 où le sida a été reconnu comme danger mondial pour la santé, sur des hommes de 70 kg.

 

Les scientifiques ont toutefois commencé à se demander si les résultats fondés sur des essais menés uniquement sur des sujets masculins pouvaient avec confiance être appliqués à des femmes, du fait des différences physiologiques des deux sexes. Les femmes ont une moindre masse corporelle, une proportion graisseuse plus forte, et un cycle hormonal ainsi que des niveaux hormonaux différents des hommes. Or, tous ces facteurs peuvent avoir une incidence sur l’action médicamenteuse, ou ce que l’on appelle la pharmacodynamique. Il existe également des différences métaboliques. L’aspirine en est un exemple. Prise en petites doses quotidiennes, elle réduit l’incidence des crises cardiaques chez les hommes, mais pas chez les femmes. Etant donné que les femmes étaient sous-représentées dans les essais, le Congrès des Etats-Unis a été persuadé de réviser la réglementation. En 1993, le FDA a annulé l’interdiction et établi des lignes directrices stipulant l’analyse des données par sexe.

 

Différences physiologiques

 

Le changement ne s’est pas fait d’un jour à l’autre. Quand les résultats du tout premier essai d’efficacité d’un vaccin anti-VIH – AIDSVAX – ont été publiés en 1994, il n’y avait encore que 309 femmes parmi les 5009 participants. Par contre, dans l’essai STEP d’un vaccin Merck anti-VIH qui vient d’être arrêté, les femmes candidates représentaient 38 % des 3000 participants.

“Du fait que les femmes et les hommes sont différents sur le plan physiologique, on ne peut tenir pour acquis que les résultats et conclusions d’études faites uniquement sur des hommes soient applicables à des femmes,” a affirmé Mme Hankins. “Il est judicieux sur les plans éthique et scientifique de faire participer les femmes en nombre suffisant à toutes les étapes de la recherche sur l’humain pour parvenir à des résultats qui leur soient pertinents,” a-t-elle ajouté.

 

Quelques-unes des avancées récentes les plus importantes dans la riposte au sida ont été réalisées dans des domaines où seules les femmes pouvaient participer. L’exemple le plus évident est celui de la transmission mère-enfant où, grâce aux interventions de prévention, les taux d’infection sont tombés à 1 %- 2 % dans les pays à revenu élevé.

 

En fait, tous les essais des méthodes les plus prometteuses de prévention biomédicale du VIH actuellement en cours sont réalisés sur des hommes et des femmes, à l’exception des outils de prévention contrôlés par des femmes, à savoir les microbicides et les méthodes de barrière y compris les nouveaux préservatifs féminins, susceptibles de les protéger contre le VIH, les IST et la grossesse.

Un certain nombre de microbicides, sous forme de gel, crème, pellicule, anneau vaginal, sont actuellement testés dans diverses parties du monde. Quelques-uns ont déjà passé le stade de l’expérimentation animale et font à présent l’objet d’études d’efficacité sur les humains.

 

Les femmes participent également aux essais de la phase 3 – essais d’efficacité – de la prophylaxie pré-exposition, de la suppression et du traitement des infections à herpès simplex 2, et à toutes les étapes des essais de vaccins anti-VIH.

 

Les lacunes de la recherche

 

Pour diverses raisons, les femmes pourraient être plus vulnérables à l’infection à VIH que les hommes. Des études sur les partenaires sexuels discordants montrent que les femmes sont au moins deux fois plus susceptibles que les hommes d’être infectées lors d’un rapport hétérosexuel non protégé. La raison pourrait être la plus large surface de muqueuses que présente le vagin, le rendant plus vulnérable au virus. Les femmes sont également exposées à une plus grande quantité de fluides provenant du sperme.

 

Il est donc nécessaire d’étudier des questions telles que la posologie médicamenteuse, la pharmaco résistance, et les effets secondaires résultant des différences entre les sexes. Les femmes ont une plus forte numération des lymphocytes T-CD4 - les cellules qui déclenchent la réaction du corps aux microorganismes comme les virus qui l’envahissent - et leur charge virale varie en fonction de la numération des lymphocytes T-CD4 différemment des hommes.

 

Les essais cliniques doivent être conçus pour tenir compte de la sécurité de la femme, du foetus, du nourrisson qu’elle allaite, et dans le cas de microbicides vaginaux ou rectaux, de son partenaire. L’innocuité et l’efficacité pour les femmes font partie des lacunes actuelles de la recherche.

 

Autres aspects à prendre en considération

 

Le risque d’exposition au VIH est plus grand lorsque les femmes sont marginalisées du fait de leur statut social, économique et juridique, et cette marginalisation pourrait influer sur leur volonté de participer à des essais ou sur leur capacité à ce faire.

 

Elles pourraient craindre que la communauté pense qu’elles présentent un risque de VIH, ou hésiter à prendre part de peur des incidences possibles sur le fœtus, ou encore que les essais pourraient nuire à leurs chances de procréer. Ce sont là des questions importantes dont les chercheurs doivent tenir compte et aborder lorsqu’il s’agit de trouver des participantes parmi les communautés vulnérables.

 

Obstacles à la participation des adolescentes

 

Il peut y avoir des obstacles juridiques à la participation d’adolescentes à des essais qui reposent sur l’hypothèse qu’elles ont des rapports sexuels. Parmi les facteurs cliniques intéressant les chercheurs on compte les différences physiologiques des femmes et des adolescentes. Le profil des hormones sexuelles change énormément pendant l’adolescence et ces modifications hormonales pourraient avoir des conséquences immunologiques susceptibles d’influer sur l’efficacité d’un outil donné de prévention, p.ex. la réponse immunologique à un vaccin.

 

La recherche visant à évaluer l’innocuité, l’immunogénicité et l’efficacité doit tenir compte des distinctions biologiques des groupes d’âge. Mais à ce jour, aucun essai de vaccin candidat anti-VIH n’a fait participer des adolescentes. Il pourrait y avoir des avantages secondaires pour la santé à faire participer des adolescentes plus âgées aux essais cliniques d’outils de prévention contrôlés par les femmes comme les préservatifs féminins et les microbicides. Ces interventions peuvent s’intégrer dans les pratiques ordinaires de santé sexuelle et offrir par la même occasion une protection contre d’autres maladies sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées.

 

Les professionnelles du sexe

 

Les professionnelles du sexe et les consommatrices de drogues injectables sont souvent mises à l’écart de la population générale, et il faut donc consentir davantage d’efforts pour les faire participer à la recherche concernant le VIH. Les méthodes de prévention dont nous disposons actuellement ne sont peut-être pas idoines pour les professionnelles du sexe et les consommatrices de drogues injectables. Il arrive que les professionnelles du sexe n’aient pas facilement accès aux préservatifs, ou que des clients violents les empêchent de les utiliser, ou encore qu’elles se laissent tenter par une offre plus grande d’argent en échange de rapports non protégés.

 

La question se pose aussi de savoir si les microbicides continuent à être efficaces dans le cas d’une utilisation très fréquente par des femmes ayant de très nombreux partenaires. C’est pourquoi la recherche sur les méthodes de prévention revêt une importance particulière pour elles. Par ailleurs, le statut juridique précaire des professionnelles du sexe et des consommatrices de drogues injectables pourrait rendre leur participation difficile, et même les exposer à une plus grande exploitation.

 

Une juste place

 

Ces dernières années, la recherche sur le VIH commence à accorder aux femmes l’attention que leur exposition au virus justifie. Grand nombre des voies les plus prometteuses de la recherche scientifique, notamment les microbicides, dépendent presque exclusivement de la participation des femmes aux essais. Néanmoins, les femmes les plus à risque de contracter le VIH sont souvent vulnérables à des pressions sociales, économiques et culturelles qui peuvent rendre difficile leur participation à des essais. “Ce sont les femmes qui devraient bénéficier de futures méthodes sûres et efficaces de prévention biomédicale et devraient donc être justiciables de la participation aux essais de ces produits, d’une part parce que c’est une question d’équité et de l’autre parce que dans de nombreuses communautés de par le monde ce sont les femmes, et surtout les jeunes femmes, qui sont les plus exposées au risque d’infection par le VIH,” a déclaré Mme Hankins.

 

 



25/07/2010
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